Chronique #46 : Les vaches de Staline de Sofi Oksanen.
(Photo que j'ai prise)
Titre : Les vaches de Staline
Auteure : Sofi Oksanen
Edition : Stock
Collection : La Cosmopolite
Nombre de pages : 513
Résumé : Les "vaches de Staline", c'est ainsi que les Estoniens déportés en Sibérie désignèrent les maigres chèvres qu'ils trouvèrent là-bas, dans une sorte de pied de nez adressé à la propagande soviétique qui affirmait que ce régime produisait des vaches exceptionnelles. C'est aussi le titre du premier roman de Sofi Oksanen, dont l'héroïne, Anna, est une jeune finlandaise née dans les années 1970, qui souffre de troubles alimentaires profonds. La mère de celle-ci est estonienne, et afin d'être acceptée de l'autre côté du "Mur", elle a tenté d'effacer toute trace de ses origines et de taire les traumatismes de l'ère soviétique.
Sofi Oksanen décrit avec une grande puissance d'évocation les obsessions de ces deux femmes : Anna ne pense qu'à contrôler l'image de son corps, tandis que sa mère raconte sa rencontre avec le "Finlandais", à Tallinn, dans les années 1970, avec une sorte de distance glaçante, comme si sous ce régime de surveillance, la peur s'infiltrait jusque dans les rapports de séduction. Ne serait-ce pas ce passé qui hante encore le corps de sa fille ?
Mon avis : Ce livre m'a attirée à cause de son titre. Au début, avant même de lire le résumé, je m'attendais à une histoire qui se déroulerait durant la Seconde Guerre Mondiale, avec des déportés dans les goulags. C'est tout à fait différent mais c'est tout aussi plaisant. Anna est née en Finlande, tout comme son père mais sa mère est née en Estonie. Mais cette mère interdit à sa fille de parler de l'Estonie, ce pays qui a connu la guerre, les déportations, la misère. Pourtant, les deux femmes se rendent souvent dans ce pays pour rendre visite à la grand-mère.
Malgré la répulsion de Katariina (la mère) pour l'Estonie, Anna entretient un fort lien avec le pays. Elle est partagée entre les deux pays. L'un qui vit dans la misère, avec les fantômes du passé et l'autre, la Finlande, où tout n'est que consommation. Entre ces deux pays, si différents mais pourtant si proches, Anna souffre. Elle souffre beaucoup, mais en silence. Son mal-être s'exprime dans la nourriture. Anna est atteinte de troubles alimentaires, l'anorexie et la boulimie. Elle contrôle sa maladie en silence. Elle la dirige d'une poigne de fer, comme Staline l'a fait avec l'URSS. Anna mène un régime totalitaire sur son corps. J'ai beaucoup aimé l'abondance de détails sur sa maladie. Je me souviens avoir dit que c'est ce qui avait manqué dans Zouck, de Pierre Bottero. On est complétement dans la maladie. Certains détails sont sordides et carrément répugnants. Mais ces descriptions très complètes représentent la vérité, les gestes que font les anorexiques et boulimiques. Anna est enfermée dans sa peur, tout comme sa mère. Cette dernière est terrifiée, elle redoute de trouver un jour le KGB devant sa porte. Elle redoute que les gens prennent sa fille pour une Russe, les fameuses "putes". On suit avec avidité cette double histoire, cette double vie. Le père, toujours absent mène d'ailleurs lui aussi une double-vie. Il fait l'inverse de sa femme, il fuit la Finlande et va travailler en URSS. Je n'ai pas forcément apprécié de personnage d'Anna mais il m'a touché au plus profond de moi-même. J'ai beaucoup aimé ce roman, les chapitres sont mélangés, cela donne une impression de fouillis. On retrouve ce bazar dans l'esprit d'Anna. C'est un roman dur, très dur. Avec des mots transcendants, profonds, poignants. C'est extrêmement fort car c'est du vécu. Ce roman m'a énormément touchée. Je pense lire Purge, un autre roman de Mme Oksanen.
Ma note :
"J'ai cousu ma bouche et inventé pour mon corps une langue où les kilos sont des mots, où les syllabes sont des cellules, une langue où les reins endommagés et les viscères déchirés sont des règles de grammaire. Je me suis tue et j'ai parlé. Ma gorge est sèche et rugueuse, la boulimie fait de toutes choses une terre vierge, d'une forêt équatoriale un désert, ma tentative de chanter ressemble à un croassement de corneille, les mots sont confus, mes phrases n'ont pas de sens, comment pourrais-je donc comprendre moi-même, et pourtant je suis obligée d'être. Pas de moyen d'y échapper. Obligée d'exister. Obligée de le savoir. Obligée de savoir ce que je ressens. Obligée de savoir que je suis là. Obligée de comprendre que ce corps se dessèche, s'évapore, disparaît, oui, c'est ce qu'il fait, mais avec une lenteur tellement infinie que le voyage vers l'inexistence est infiniment long, et pendant ce long voyage on a le temps de penser à toutes sortes de choses, même si on n'en a pas la force, même si on essaye de ne pas penser on va tomber sur toutes sortes de gens et on se retrouve dans toutes sortes de situations, on a beau essayer de se dissoudre dans le non-penser et le non-être, ce voyage est trop long et l'accomplir requiert trop de volonté, et la volonté c'est l'être, et être c'est penser. Quel voyage sans fin."
"Je me suis mise à mesurer le temps en kilocalories "
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5/70
Sofi Oksanen pour la Finlande.
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Idée n°7 : Une bouteille, une jarre ou une boîte de conserve de la cuisine (boîtes de conserve sur la couverture).
17/170
Une auteure que je veux découvrir. Je n'ai malheureusement pas ce livre dans ma PAL, mais j'en ai deux autres d'elle "Purge" et "Quand les colombes disparurent". Vu les notes de livraddict, j'espère vraiment aimer !
RépondreSupprimerJ'espère pour toi aussi ! D'ailleurs, j'ai très envie de lire Purge.
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